Vieillir chez soi est une demande massive

En ce qui concerne le bien vieillir, le fait de vieillir chez soi est une demande massive. J’irais presque jusqu’à dire systématique.

Mais elle s’accompagne d’une vision extrêmement claire, par une grande partie de nos aînés, du fait que pour vivre chez soi de manière indépendante – et ils emploient beaucoup le terme de liberté dans les travaux que nous menons -, on a besoin d’en créer les conditions.

On en crée les conditions de deux manières, en aménageant son logement ou bien en migrant vers un logement qui présente des caractéristiques d’accessibilité

La mobilité va être réduite… et la demande porte aussi sur la qualité en termes d’air, d’eau, de localisation, en termes de connexion à tout un ensemble de dispositifs de domotique – qui peuvent même aller jusqu’à la télémédecine. Ils aspirent à une proximité des services médicaux, des magasins… Il aspire à la sécurité. Ces aspirations sont maintenant largement partagées par les principaux acteurs, les personnes âgées elles-mêmes.

Donc, oui, vraiment une préoccupation de toujours pour la santé publique, mais une prise de conscience liée au fait que, maintenant, on a une meilleure vision des déterminants de la santé et que l’on fait face à une demande sociale massive dans ce domaine-là.

Vous avez insisté à plusieurs reprises sur le bien vieillir et concentré vos réponses sur les séniors et le défi de la longévité. Comment faire pour que cet effort soit bénéfique à tous les âges de la vie ?

Le logement santé, ce n’est évidemment pas seulement pour le bien vieillir. C’est aussi pour toutes les personnes qui en ont besoin, parce qu’elles ont une forme de vulnérabilité – qui peut être liée à une maladie chronique, à un handicap, y compris un handicap social, qui font qu’elles ont besoin d’un accompagnement et d’un soutien.

Il est très très clair que c’est quelque chose qui est beaucoup plus large.

Si je mets l’accent sur la question des personnes âgées, c’est juste parce qu’aujourd’hui nous ne sommes pas prêts. Il ne faut pas raconter de bêtises vous avez cité Serge Guérin dans le message que vous m’avez envoyé. Serge Guérin vous a alertés à juste titre, je n’en doute pas, sur notre impréparation, sur notre incompréhension de ce qu’est la réalité des seniors aujourd’hui.

Il me semble que c’est vraiment majeur que, dans le cadre de tous les travaux qui sont menés en santé publique autour de la santé mentale par exemple, le logement santé, dans ses différentes déclinaisons, apporte de nouvelles réponses et façon de faire.

Il me semble simplement qu’aujourd’hui la focalisation sur le bien vieillir est importante parce que je crois qu’on a du mal à réaliser que vieillir n’est pas une maladie. On souffre de représentations qui nous laissent penser que toutes les personnes qui vieillissent deviennent dépendantes, alors qu’en réalité ça ne touche que 20% de la population. On positionne les personnes âgées dans une logique de dépendance et d’assistance alors qu’au contraire elles sont en capacité d’avoir des projets, de conduire leur vie, de faire des choix.

Engageons-nous, à travers cette vision de logement santé, en faveur d’une vision du logement qui soit émancipatrice – excusez-moi ce terme un peu désuet. Il ne s’agit pas juste de vendre un service à des gens, il s’agit de créer les conditions de leur liberté, même au grand âge, même avec des limitations physiques, même avec des limitations cognitives.

C’est notre défi.

Juste brièvement, si je vous dis « résilience » – c’est un peu le terme à la mode, découvert par le grand public à l’occasion de la pandémie -, ça vous évoque quoi la résilience ?

Pour revenir aux personnes âgées, ça m’évoque deux études que nous avons menées avec le centre collaborateur OMS. L’une portait sur la manière dont les personnes âgées ont traversé et ont accédé aux services, notamment d’aide et de soin à domicile, et elle montre très clairement que leur capacité de résilience était extrêmement grande et, en tout cas, supérieure à celle de populations les plus jeunes. Cette capacité de résilience, c’est-à-dire celle tout simplement de faire face et bien, elle existe, elle est présente chez les personnes âgées.

Dans les interviews qu’on a réalisées, les personnes nous disaient : « Mais vous savez, moi avec ce que j’ai vu de la guerre, lors des différentes crises, face au chômage, ce n’est pas le covid qui va renverser mon existence. »

C’était tout à fait intéressant. Je crois qu’il faut qu’on intègre cette idée de résilience à notre approche de la santé publique. Il y a toujours cette idée de préparation aux différentes crises, de mise en capacité d’une population à faire face à des difficultés potentielles. Et bien, je crois que, maintenant que le mot de résilience s’est généralisé, il ne faut pas hésiter à l’employer. Il faut préparer les structures, accompagner les gens pour développer leur capacité à la résilience parce que nous aurons d’autres crises, nous aurons évidemment d’autres pandémies et nous avons besoin collectivement de développer cette capacité de résilience.

Ceci dit, elle ne génère rien de particulièrement nouveau puisque c’est la prévention qui est le levier majeur de la résilience, avec les conditions de gestion des crises.

Maintenant que c’est quelque chose qui est partagée, il ne faut pas hésiter à l’utiliser, il ne faut pas hésiter à approfondir cette question.