Quel lien entre la qualité d’usage et le logement santé ?

Vous avez évoqué votre mission sur la qualité d’usage… Quel lien feriez-vous entre qualité d’usage et logement santé ? 

C’est parti d’une vraie conviction personnelle de la ministre qui considère qu’il y a un souci sur la production d’une partie des logements qui se construisent aujourd’hui et sur la qualité que ces logements pouvaient présenter. 

A la base, c’est issu de remontées, diverses même s’il n’existe pas de mesures précises de ce sujet. 

Dans le rapport, nous disons que nous avons l’impression d’être un peu dans une sorte d’angle mort. C’est-à-dire que c’est un sujet qui a été un vrai sujet de préoccupation… et c’est d’ailleurs une passerelle avec le Logement Santé. 

Nous revenons à histoire de l’hygiénisme… 

En fait, il y a plein de sujets auxquels nous avons été amenés à nous intéresser, dont nous nous sommes dit que c’était les vraies questions du début du 20ème siècle quelque part, qui mobilisaient finalement beaucoup la pensée en matière de conception des logements. 

Ce sujet-là, a été, à un moment, semble-t-il, traité et il a eu un impact fort sur les caractéristiques attendues des logements, en termes de confort, d’habitabilité, de qualité, d’usage perçu… 

Puis, il a été relégué au second plan… Les sujets techniques ont pris le dessus – l’énergie, l’acoustique et les matériaux, des choses comme ça – et, finalement, les questions liées à la qualité d’usage ont été peut-être considérées comme acquises.  

Ensuite, dans une période plus récente – même si l’appareillage statistique n’est pas très bon, et si ce propos traduit davantage des convictions acquises au fil de la mission -, nous avons redescendu la pente sur ces questions, ces thèmes, ces items qui déterminaient la qualité d’usage, et cela notamment sous la pression financière. 

L’optimisation de l’équation financière d’opérations immobilières a conduit finalement à des « compactages », des optimisations, qui, mis bout à bout, au bout de quelques années, aboutissent à des logements dont nous pouvons dire que, quand même, sur le plan de l’usage, ils posent un problème. 

On a vu et on voit réapparaître, justement, par les items, des questions qui se posaient au début du 20ème siècle – pas à la même échelle tout de même, il ne faut pas caricaturer… Entre ce qui se produit aujourd’hui et ce qui se produisait au début du 20ème siècle, il y a quand même encore un gros écart de qualité en faveur de ce qui se produit aujourd’hui. 

Mais attention, quand même… Il y a eu de nombreux progrès et puis, hop, nous sommes au début de l’axe descendant là, et suffisamment pour que cela suscite des réactions et que nous disions qu’il y a deux ou trois principes, dont il a été question il y a une centaine d’années et dont il serait bien de se souvenir. 

Ce qui me vient, ce sont les sujets « air », « lumière »… Finalement, ce n’est pas un hasard si, dans notre référentiel, un des axes a été de dire : « Les logements mono-orientés, il faudrait peut-être arrêter. Ce n’est pas très bon… Et puis, les logements traversants, justement, c’est une meilleure circulation d’air, et ça aide au rafraîchissement ». 

Nous revenons sur des items qui sont restés favorables à la santé. 

Je dirais, d’une manière générale, que l’espace participe à une sensation de bien-être, qui est sans doute favorable à la santé sur le long terme. Inversement, le manque d’espace ou cet espace de mauvaise qualité peut avoir un effet un peu usant sur l’occupant qui fait que celui qui a le choix finit par se dire : « Bon, je vais aller vivre au grand air et avoir de l’espace… » 

Au bout d’un moment, on risque de se retrouver avec un parc qui peut, si le scénario est un peu noir, devenir un parc de relégation. 

J’ai travaillé un certain temps à l’ANAH sur l’habitat dégradé – c’était beaucoup plus du logement privé d’ailleurs que du logement social. On appelait ça le « parc privé de relégation », un parc privé qui logeait les gens qui n’avaient pas vraiment d’autre choix et qui, du coup, se retrouvaient dans des choses de mauvaise qualité. 

La question est de savoir si, finalement, les logements produits dans la période récente ne deviendront pas, s’ils sont, à la fois, pas très qualitatifs et mal localisés, un parc de relégation à terme. ? 

Dans le cadre de cette mission, nous n’avons pas essayé de ne réinventer la roue. Le référentiel que nous avons produit avec François Leclercq, nous revendiquons qu’il ne soit pas innovant. Car, nous avons l’impression qu’il existe quelques principes de base qu’il serait bon de reposer et pour lesquels il faudrait dire que, si on les respecte pas, alors même que ce n’est pas très dur de les respecter, nous résisterons à l’épreuve du temps et nous allons proposer aux occupants des conditions d’habitat plus correctes, voire même assez bonnes. 

Une idée est essentielle… Il faut se dire que le logement va avoir plusieurs occupants successifs, qu’ils vont avoir des compositions ou des besoins différents, et ce logement doit pouvoir s’adapter finalement à plusieurs besoins. 

On constate que, par contre, quand vous rentrez dans des logements très compactés ou très optimisés sur un certain nombre d’aspects, vous ne laissez plus de choix à l’occupant. Par exemple, il n’y a qu’une seule façon de disposer ses meubles – et, parfois même, je caricature, vous ne pouvez plus avoir de meubles, en fait, ou alors vraiment peu, vous n’avez ni rangement ni espace où vous pouvez mettre les meubles… 

Vous avez mentionné le référentiel. Pourriez-vous m’en dire un peu plus ? Vous avez expliqué ce que vous avez cherché à faire… Que comprend ce référentiel ? Quel doit être son usage ? 

Déjà, il y a des aspects dimensionnels… Ainsi, typologie par typologie, nous recommandons des surfaces minimales, 28m2 pour un T1, 45 m2 pour un T2, 62m2 pour un T3… 

Comment avez-vous défini ces surfaces ? 

Ce sont des additions très simples… à partir de ce que l’on constate dans la production actuelle comme, par exemple, une diminution de la taille de l’espace séjour + cuisine. Ce qui s’est passé au cours du processus de compactage, c’est que, alors qu’il n’y a pas si longtemps que ça vous aviez un séjour d’une taille certaine, une cuisine souvent séparée et une entrée par ailleurs, vous avez désormais une tendance qui consiste à faire tenir l’entrée, la cuisine et le séjour dans un même « pièce de vie » dont la superficie est, à peu près, celle qu’avait auparavant le salon tout seul. 

Cela nous a amené à dire que, selon nous, sur le total séjour + cuisine, il ne fallait descendre en dessous d’une certaine taille. C’est une recommandation, ce n’est pas réglementaire.  Et à la superficie, nous ajoutons la recommandation de créer des espaces séparables. 

Parce que, si vous ajoutez à la tendance du compactage, la tendance à la mono-orientation, liée à une autre tendance sur l’épaisseur des bâtiments, vous vous retrouvez avec des logements dans lesquels la cuisine devient le mur du fond au bout du salon. Pas idéal pour faire la cuisine quand vous recevez des amis… 

Même chose sur les chambres… La tendance, liée notamment à la réglementation « personnes handicapées », est à l’augmentation de la superficie. Mais d’autres chambres sont de plus en plus petites… Et il y a un sujet qui est d’encourager le fait qu’il soit possible d’organiser la même pièce de différentes manières. 

C’est quelque chose qui nous a beaucoup guidé… Un élément de qualité du logement, c’est de pouvoir disposer de quelques degrés de liberté. 

Si vous avez une chambre de 9m2 et pour peu qu’elle comprenne un placard… même si les placards ont tendance à disparaître… Vous vous retrouvez en fait avec un espace très contraint qui fait que, suivant la localisation de la fenêtre, pour le lit, vous n’avez pas le choix. 

Ainsi, avec des recommandations sur les tailles des chambres et si on ajoute les pièces d’eau, on arrive aux surfaces que je vous ai indiquées. 

Pareil, pour les rangements… Il y a de moins en moins de caves… C’est fatiguant de ne pas pouvoir ranger ses affaires… 

En ce qui concerne les éléments d’orientation, nous cherchons à favoriser la transversabilité, encourager les doubles orientations, le plus possible.  

En matière de sensation d’espace, pour l’éclairage et la bonne circulation d’air, vous avez le sujet de la hauteur sous plafond… La hauteur sous plafond, c’est, à la fois, une sensation de confort importante et pas forcément quelque chose que les gens réclament spontanément. Mais, par contre, quand elle est là, on l’apprécie. 

Mais, cela a aussi des effets vraiment intéressants en matière de circulation d’air, en matière de renouvellement d’air, de rafraîchissement le cas échéant, ou bien d’organisation. 

Nous avons beaucoup insisté sur le fait qu’il ne fallait pas, pour autant, faire perdre un étage au bâtiment… 

Et puis, nous avons aussi évoqué la question des espaces extérieurs. C’est un sujet moins difficile, plus en ligne avec la tendance, car, dans ce qui se produit aujourd’hui, beaucoup de logements ont un espace extérieur. L’idée qu’il fallait donner accès à un espace extérieur est sortie renforcée de la période de confinement – incontestablement parce que les gens qui n’avaient pas accès à l’extérieur, que ce soit un balcon, une terrasse ou un espace extérieur au sein de son ensemble immobilier, ont quand même nettement plus souffert que les autres. 

Avec un espace extérieur, vous allez pouvoir vous poser, manger dehors ou faire un peu de plantation… C’est vraiment positif !